Il est des problèmes importants longtemps oubliés comme on met la poussière sous le tapis, mais qui finissent par s’échapper de leur confinement. Faut-il alors s’étonner du fracas qu’ils provoquent ?
La fréquentation du parking de la gare maritime, dernière étape avant l’embarquement pour Groix, longtemps considérée par la majorité municipale en place depuis 2014 comme un sujet tabou qu’il ne fallait surtout pas évoquer, fait partie de cette catégorie de problèmes. Car depuis longtemps déjà des voix s’élèvent pour s’étonner que les Groisillons ou des usagers réguliers du bateau peinent à trouver une place pour garer leur voiture. Un exemple ? A partir de 2008, un habitant de l’île contraint de prendre le bateau régulièrement pour rendre visite à un conjoint hospitalisé à Lorient, a arrosé toutes les autorités possibles de ses plaintes, du maire de Groix jusqu’à l’épouse du Président de la République, Brigitte Macron, en passant par le Sous-Préfet. Jusqu’à présent, ses démarches n’ont pas été couronnées de succès, mises à part quelques réponses certes bienveillantes, mais toujours évasives.
« On ne peut rien à faire », un adjoint au maire en 2016
Cet habitant nous a même raconté comment, en 2016, lors d’une réunion avec le Sous-Préfet Treffel où le sujet du parking a été évoqué, le représentant de la mairie de Groix, un adjoint au maire, pressé par le représentant du gouvernement de faire des propositions, a fini par lâcher : « Je sais bien qu’on ne peut rien faire ! ». Et depuis, ce fatalisme est devenu une véritable doctrine pour la majorité municipale.
Alors, quand au cours de l’été dernier, des artisans de Groix, soutenus par les élus de l’opposition, ont sonné l’alerte devant la presse locale, le couvercle de la marmite trop longtemps maintenue fermée a explosé. Ils se faisaient ainsi les porte-paroles des salariés (ouvriers du bâtiment comme fonctionnaires territoriaux ou employés de banque) qui chaque jour viennent travailler de Lorient sur l’île et qui, la saison touristique venue, ne trouvent plus de place pour y garer leur voiture, indispensable pour se rendre de leur domicile à la gare.
Que demandaient-ils ? Que des places clairement identifiées soient réservées à ces usagers alors que certains se sont vus pénalisés d’une contravention pour avoir stationné sur une zone bleue, lassés de tourner aux alentours de la gare sans trouver de place à 7h30 du matin ; ou que d’autres renoncent même à rejoindre leur travail face au risque d’une nouvelle amende à 135 euros pour avoir stationné sur un trottoir, en désespoir de cause. La réponse de l’adjointe aux mobilités de Lorient, Laure Dechavanne, a été rapide : une centaine de places ont été ouvertes, là où les étés précédents sans Covid des forains stationnent. La solution ne pouvait être que provisoire, car dans les jours qui ont suivi, ce nouveau parking a été envahi par les voitures de touristes, très nombreux cette année à se rendre sur l’île. Quelques mois plus tard, le 15 décembre exactement, Laure Dechavanne, faisait savoir au maire de Groix que le parking allait devenir payant dès le début 2021 pour reculer la fréquentation et pour pousser les touristes à avoir recours aux parkings du centre-ville, sous-utilisés, malgré des tarifs attractifs.
L’opposition lève le lièvre, la majorité prend peur
Du côté de la mairie de Groix, pas de prise de position. Et pour cause. Lors du dernier conseil municipal, le 15 décembre dernier, Dominique Yvon s’est expliqué sur son silence: « Quand j’ai lu dans les journaux vos prises de position, je me suis dit, ils sont fous, ils vont pousser la mairie de Lorient à faire payer le stationnement. » En clair, la doctrine de la poussière cachée sous le tapis était toujours en vigueur. Pour la majorité municipale, mieux valait ne rien dire, ne rien anticiper alors que partout ailleurs ce type de stationnement est payant, laissant penser que la question finirait bien un jour ou l’autre se poser ici, au risque de laisser les « salariés pendulaires » se débrouiller avec leur problème. Au cours de ce même conseil, une polémique vigoureuse a suivi entre la majorité et l’opposition (lire le compte rendu), la majorité reprochant – à tort – à l’opposition d’avoir précipité une décision de la municipalité de Lorient que tout le monde savait inévitable et d’avoir rompu le statu quo.
L’urgence est donc là et bien là. Plus question de se dérober. Pour les habitants de l’île, l’usage de ce parking est essentiel pour assurer une forme de continuité territoriale entre leur île et le continent. Ce parking est essentiel à leur vie quotidienne, tout comme il est essentiel aux familles des anciens auxquels enfants ou petits enfants viennent rendre visite. Il est essentiel à ceux qui ont un besoin fréquent de se rendre sur le continent au-delà du centre ville de Lorient et pour qui une voiture est indispensable. Face à la réduction drastique des places de voitures sur les bateaux, le Breizh Nevez en particulier, beaucoup préfèrent laisser un véhicule à disposition sur le parking plutôt que de passer leur voiture.
Gratuité pour les insulaires et les pendulaires
Bref, il faut que les usagers, les élus de Groix, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition qui ont soulevé le problème, ceux de Lorient et de l’Agglomération et les responsables de la Chambre de commerce se mettent autour d’une table et trouvent des solutions pour qu’une forme de gratuité soit maintenue pour tous ces usagers-là. Que ce soit sous forme de laisser-passer ou sous forme de couplage avec le billet de bateau, etc., tout est à inventer en fonction du type d’usager. Groix change, et changera encore en accueillant chaque été plus de vacanciers. Mais Groix s’enorgueillit de développer une activité économique en dehors de l’activité touristique. Permettre aux acteurs de l’économie d’accomplir leurs tâches, minimiser le coût de la vie et du travail insulaire déjà lourdement impactés par le prix du transport des marchandises et insérer la question du stationnement dans une politique bien conçue du transport de l’Agglomération, voilà ce dont les participants à la table ronde « parking » auront à débattre. À suivre…
Auteurs : Victor Da Silva, Jean-Claude Jaillette